Ratifiée par la majorité des assureurs français, la convention IRSA (Indemnisation directe de l’assuré et de Recours entre Sociétés d’assurance Automobile) a été élaborée dans le but d’accélérer et d’améliorer l’indemnisation des dommages matériels résultant d’un accident de la route.
Elle concerne les sinistres survenus en France ou dans la principauté de Monaco, impliquant au moins deux véhicules terrestres soumis à l’obligation d’assurance et garantis auprès de sociétés signataires.
Dans ces circonstances, la convention engage chacune des sociétés adhérentes à prendre directement en charge les dégâts occasionnés au véhicule de son propre assuré, pour le compte de l’assureur responsable, avant d’exercer son droit à recours.
Les dispositions générales de la convention IRSA posent expressément le principe d’une indemnisation déterminée selon les règles du droit commun, prévoyant la réparation intégrale du préjudice subi. Pourtant, il apparaît dans la pratique que l’offre d’indemnité proposée par l’assureur direct ne rencontre pas toujours l’intérêt financier de son assuré.
En tels cas, la victime qui s’estime lésée conserve la faculté de refuser l’application de la convention en cours de procédure. Il lui est même possible de la contourner totalement en exerçant un recours direct auprès de l’assureur du responsable dès la déclaration d’accident, les accords conventionnels inter-sociétés ne lui étant pas opposables.
Les limites de la convention IRSA pour l’assuré
Simplifiées pour faciliter la gestion des dossiers et réduire les coûts de gestion, les règles de répartition et d’exercice des recours mises en œuvre dans le cadre conventionnel peuvent parfois s’avérer désavantageuses pour l’assuré. En particulier, elles sont susceptibles de donner lieu à une estimation erronée des responsabilités ainsi qu’à une sous-évaluation, voire une omission délibérée de certains postes de préjudice par l’assureur direct.
Sur le partage des responsabilités
Pour déterminer la responsabilité respective des véhicules impliqués dans un accident de la circulation, la convention IRSA s’appuie sur un barème de répartition répertoriant un certain nombre de cas de figure. Pour chacun d’eux, les parts de responsabilité sont attribuées en tenant compte de données objectives comme la position des véhicules, leur direction ou les points de choc.
Cette schématisation ne permet évidemment pas de couvrir l’exhaustivité des circonstances d’accident possibles. Lorsque le sinistre ne relève d’aucune des situations prévues, le partage des responsabilités s’opère par assimilation avec le cas le plus proche. Si le type d’accident ne peut être déterminé en fonction du barème, il est arbitrairement fait application d’une répartition des torts par moitié.
De surcroît, toute notion induisant une interprétation subjective des causes de l’accident est conventionnellement exclue. Ne sont ainsi pas pris en compte les éléments déclaratifs relatifs à une vitesse excessive, à un défaut d’éclairage ou à l’état de surcharge ou de panne des véhicules. Le non-respect des règles particulières attachées aux voies réservées à la circulation des bus et des taxis ou aux pistes cyclables est également écarté des critères de reconnaissance de responsabilité.
Par le biais de cette codification standardisée des accidents, il peut arriver qu’un automobiliste victime de dégâts matériels dans des circonstances particulièrement complexes voit sa responsabilité engagée en contradiction avec la réglementation du Code de la route.
Sur l’évaluation du montant de l’indemnité
Dans l’objectif de fluidifier les mouvements financiers entre compagnies, la convention IRSA fixe des modes de recours distincts en fonction du montant des dommages :
- recours forfaitaire : dès lors que le coût H.T. des réparations du véhicule et de ses accessoires est inférieur à un plafond fixé à 6 500 €, l’assureur responsable reverse à l’assureur direct un forfait de 1 568 € (ou 784 € en cas de responsabilités partagées).
- recours au coût réel : si les dommages au véhicule dépassent ce plafond, l’assureur adverse s’acquitte auprès de l’assureur direct de l’intégralité du montant avancé pour la remise en état.
La convention prévoit par ailleurs une renonciation à recours partielle pour les préjudices résultant du dépannage ou du remorquage, de l’immobilisation du véhicule, des dommages aux marchandises et objets personnels transportés. Pour d’autres postes, la renonciation à recours est totale : dépréciation du véhicule, certificat d’immatriculation, frais d’expertise et de remise en état…
Du fait de ces dispositions, l’assureur de la victime est amené à conserver à sa charge une partie des coûts qu’il a engagés. Afin de maîtriser ses frais, il risque d’être incité à réduire l’indemnisation de son assuré en limitant notamment l’étendue des postes de préjudice par le jeu des garanties contractuelles. Plutôt que de bénéficier d’une offre indemnitaire conforme au droit commun, tel que le prévoit pourtant la convention, l’assuré n’est ainsi dédommagé qu’à hauteur des garanties ou options souscrites. L’assureur lui refuse par exemple le remboursement des frais de location d’un véhicule ou l’indemnisation de ses effets personnels détériorés dans l’accident si son contrat ne comprend pas de garantie « véhicule de replacement » ou « contenu du véhicule ».
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Refuser la convention en cours d’instruction du sinistre
La mise en œuvre de la convention IRSA permet à l’assuré, dans la grande majorité des accidents matériels non responsables, de bénéficier d’une indemnisation rapide et satisfaisante. Cependant, dans les quelques situations évoquées précédemment, la victime peut trouver un avantage financier à s’opposer aux décisions de son assureur en matière de responsabilité ou à sa réticence à supporter des coûts non contractuels.
Il lui est alors loisible de refuser l’offre d’indemnisation de son assureur direct et de lui demander une application stricte des règles du droit commun pour l’évaluation de son préjudice, la convention n’étant pas opposable à l’assuré sur la base de l’article 1199 du Code civil.
Dans l’hypothèse d’un rejet de cette réclamation, si aucune transaction amiable n’apparaît possible, la démarche consiste alors pour la victime à porter l’affaire devant les tribunaux en assignant la société d’assurance adverse. Celle-ci, après décision de justice confortant la demande de l’assuré, se retournera alors vers l’assureur direct. En application même des dispositions de règlement des litiges prévues par la convention IRSA, elle sera en droit de lui demander le remboursement du montant de la condamnation judiciaire et des frais et honoraires de procédure afférents.
Dès lors qu’il se trouve confronté à un litige en cours de procédure conventionnelle d’indemnisation, l’assureur direct doit ainsi, dans tous les cas, faire son affaire personnelle des réclamations de son assuré portant sur les différents préjudices exclus des règles de recours inter-sociétés. Il est plus que probable qu’il réagira à la charge financière induite en procédant à la résiliation du contrat dès la prochaine échéance annuelle.
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Choisir l’exercice du recours direct
L’article L113-2 du Code des assurances dispose, entre autres, que tout sinistre de nature à entraîner la garantie de son assureur doit lui être déclaré par l’assuré. Reprise dans les conditions générales des contrats d’assurance automobile, cette clause ne trouve cependant pas son application en cas d’accident de la circulation non responsable, qui engage la garantie d’un autre assureur.
Cette position est confirmée de façon constante par la jurisprudence. Si elle estime qu’il en est de son intérêt, la victime jouit alors de la possibilité de s’adresser directement à l’assureur du tiers responsable pour indemnisation et de s’affranchir ainsi des limites imposées par la convention IRSA.
Bases légales
Cette démarche conforme au droit commun trouve sa légitimité dans l’article 1240 du Code civil selon lequel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Le recours direct est d’ailleurs expressément prévu par le Code des assurances dans l’article L124-3 selon lequel « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. »
Conditions nécessaires
La procédure de recours direct est subordonnée à la réunion de trois conditions impératives :
- identification du véhicule tiers et de l’assureur qui garantit sa responsabilité civile ;
- existence d’un constat amiable dûment rempli et signé ou d’un rapport de police ou de gendarmerie ;
- non-responsabilité totale et incontestable du demandeur. Ce préalable est réalisé lorsque les dommages à son véhicule résultent en particulier :
- d’un choc arrière causé par le véhicule adverse circulant dans le même sens et sur la même file ;
- d’un refus caractérisé de priorité de la part du tiers ;
- d’une collision en stationnement régulier.
Attention ! En cas de responsabilité partagée, le recours direct ne peut être envisagé.
Mise en œuvre de la procédure
La déclaration de sinistre doit être effectuée par l’automobiliste victime directement auprès de l’assureur du responsable dans le respect des délais impartis, soit dans les 5 jours suivant l’accident. Il lui appartient donc de prendre contact rapidement avec un réparateur et un expert indépendant qui réalisera le chiffrage des dommages subis et se chargera de la procédure. Selon l’enjeu du dossier, l’assistance d’un avocat peut être requise.
Le dossier complet de recours transmis à la société d’assurance adverse est constitué :
- du constat amiable ;
- d’une copie de la carte grise ;
- d’une copie de l’attestation d’assurance du véhicule endommagé ;
- du rapport d’expertise avec photos ;
- de la facture des réparations.
Viennent s’ajouter au chiffrage de ces dommages matériels directs les justificatifs de l’ensemble des préjudices annexes ainsi que les honoraires des intervenants (expert automobile, avocat).
En l’absence de mobilisation de la convention IRSA, l’assureur du véhicule accidenté n’intervient en rien dans la procédure d’indemnisation d’un sinistre qui n’est pas porté à sa connaissance.
Avantages pour l’assuré lésé
Si la mise en place du recours direct peut sembler plus complexe qu’une déclaration classique, la procédure s’avère avantageuse lorsque le contexte le justifie pleinement. Elle promet à la victime d’obtenir une indemnisation conforme à son préjudice réel par la prise en compte de l’ensemble des dommages et frais annexes, à savoir :
- réparation ou remplacement des accessoires hors-série sans déduction de vétusté ;
- indemnisation des marchandises et effets personnels transportés détériorés avec le véhicule ;
- frais de remorquage, de transfert de véhicule, de gardiennage ou de parking ;
- frais d’immobilisation : location d’un véhicule de remplacement, coût de l’assurance pendant la période d’indisponibilité, privation de jouissance ;
- préjudices indirects : perte de journée de travail, perte de chance en cas de retard à un examen ou un entretien du fait de l’accident ;
dépréciation du véhicule à la revente en cas de dommages à la structure ; - en cas de véhicule en perte totale : frais de recherche et de déplacement pour l’achat d’un nouveau véhicule, frais de carte grise…
Par ailleurs, le sinistre n’étant pas déclaré à l’assureur du véhicule, il n’apparaît pas sur le relevé d’informations. Sa survenance est sans impact sur le montant de la cotisation d’assurance et ne risque pas d’entraîner une résiliation du contrat pour sinistralité élevée (qui peut survenir même en cas d’accident(s) non responsable(s)).
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Pour aller plus loin...
- Cas 10 de la convention IRSA : véhicules dans le même sens, sur la même file
- Accident automobile avec portière ouverte : quelle responsabilité ?
- Cas 43 de la convention IRSA : véhicule en stationnement irrégulier
- Cas 51 de la convention IRSA : un véhicule recule ou fait demi-tour
- Cas 13 et 15 de la convention IRSA : véhicules dans le même sens, sur deux files différentes